Prospection aérienne - Site du Fâ

Historique des fouilles

//

La découverte du site gallo-romain

Les premiers témoignages écrits datent du début XVIIIème siècle, et sont signés de Claude Masse, ingénieur et géographe du roi Louis XIV, qui a étudié toutes les communes de la côte de la Saintonge ; il a noté minutieusement les éléments pouvant servir à l’identification et à l’interprétation des vestiges observés. Ses travaux sont à la base des principales descriptions postérieures.

« Environ à 1100 toises de Talmont, la tradition assure qu’il y avait jadis une ville fameuse que quelques-uns croient que c’était le Portus Santonum de Saintonge mais ce nom est fort incertain ; les uns disent que cette ville s’appelait Teste (ou Coste ?) de Saintonge et les autres Santonne. Mais il est incontestable à la certitude du nom qu’il y avait eu en cet endroit une ville ou un gros bourg…

… On dit que le port était au nord-est de la conche d’AURY et de PILLOUA et proche d’une maison à l’extrémité de la prairie l’on voit encore quelques vestiges de gros murs, et il paraît fort naturel que toutes les prairies qui sont au nord de Talmont furent autrefois baignées de la mer comme l’assure le vulgaire. »

Claude Masse

Au XIXe siècle, le site intéresse bon nombre d’érudits locaux, tels Eutrope Jouan, l’abbé JULIEN-LAFERRIERE, le Chevalier de Vaudreuil ; leur lecture du site est parfois fantaisiste ; plusieurs signaleront le pillage des vestiges.

« En continuant notre excursion, nous arrivâmes à des fouilles récemment faites par les propriétaires du moulin du Fâ, dans le but d’extraire des moellons des fondations des murs romains. (…) Vous devez croire, Messieurs, que nous gémîmes du vandalisme de nos compatriotes … ».

(Recueil des actes, archives et mémoires de la Charente-Inférieure, T II, Saintes, 1876)

//

Léon MASSIOU ( 1921-1926 )

La première grande campagne de fouilles est due à Léon Massiou, entre 1921 et 1926. On dégage une partie de la base du temple circulaire du Fâ. La découverte la plus importante est, en 1923, celle du pied gauche d’une statue en marbre blanc. Au même endroit est découvert la partie droite d’un pectoral en calcaire, dont la partie gauche sera mise au jour 70 ans plus tard ! Au sud de la ferme de La Garde, on découvre une piscine fort bien conservée, revêtues de briques épaisses (3 à 4 cm). Elle mesure environ 30m de longueur sur 10 à 12m de large. Dans un champ, à 200m de La Garde et 600m du Moulin du Fâ, des sondages mettent au jour les fondations d’un bâtiment imposant, les murs ayant une épaisseur d’environ 90cm. Dans tous les sondages réalisés, des débris de corniches, de chapiteaux et de revêtements de marbre furent signalés. Malheureusement, seuls quelques clichés sommaires sont parvenus jusqu’à nous ; pas de plan précis des découvertes, ni de dessins ou description détaillés.

Léon Massiou fouille le temple en 1923
Léon Massiou fouille le temple en 1923

//

Louis BASALO (1935- 1939) et (1956-1963)

En 1935, débute une seconde campagne de fouilles sous la direction de Louis Basalo, architecte à Royan. De 1936 à 1937, la base du temple est totalement dégagée. En 1937, une stèle inscrite est retrouvée. Il s’agit d’une dédicace à Mars, qui pourrait donc être la divinité du temple circulaire. En 1938, débute la fouille des thermes. En 1939, commence l’exploration d’un aqueduc. Une partie souterraine est reconnue sur environ 200 m, à la sortie de Barzan, sur la pente de la vallée de Font-Vieille. Cette même année, un sondage est effectué sur la pente du théâtre. Après la Seconde Guerre Mondiale, Louis Basalo fera exécuter quelques recherches au pourtour du temple et dans les thermes, avec notamment des équipes de jeunes étudiants internationaux.  Il a, au contraire de son prédécesseur, laissé de nombreuses traces de son action : rapports et plans réalisés par lui et ses collaborateurs, démarches pour le classement des vestiges au titre des Monuments Historiques (temple en 1937 et thermes en 1939), ainsi que travaux de consolidation sur ces vestiges.

Malheureusement, les recherches seront abandonnées, le mobilier dispersé ou volé ; le vandalisme et les intempéries contribueront à la dégradation des vestiges mal protégés.

//

Jacques DASSIÉ

C’est en Juin 1975 qu’une prospection aérienne intensive révèle à Jacques Dassié, ingénieur passionné d’archéologie aérienne et amoureux du patrimoine saintongeais, l’unité d’une cité gallo-romaine s’étendant de la ferme à l’Estuaire, jusqu’à l’anse du Caillaud.

« …Au fur et à mesure de l’approche, les détails devenaient plus visibles, les formes géométriques s’alignaient révélant un plan organisé : la ville gallo-romaine surgissait des céréales verdoyantes, et cela, sur près de cinquante hectares !»

Tout devenait clair : le temple inscrit dans son péribole, l’avenue principale…descendait vers le théâtre. On distinguait des zones de magasins et des traces de constructions qui s’étendaient jusqu’au port »

Jacques Dassié
Prospection aérienne de Jacques Dassié - 1975
Prospection aérienne de Jacques Dassié – 1975

//

Résurrection de la ville antique

La ferme du Fâ, jusqu’alors propriété privée, est rachetée par la municipalité de Barzan au printemps 1993. En juillet naît l’ASSA Barzan, (Association pour la Sauvegarde du Site Archéologique du Fâ) ; après défrichement et aménagement sommaire par les bénévoles de l’association, le site est ouvert au public en décembre.

En 1999, la création d’un Syndicat mixte, associant la commune de Barzan et le Conseil Départemental de Charente-Maritime, va donner un nouvel élan au site.


Les campagnes de fouilles

Le site, qui dort en partie sous 40 ha de champs cultivés, vierge de toute construction, bénéficie aujourd’hui d’une valorisation soutenue, impulsée par le Conseil Départemental de la Charente-Maritime, par l’intermédiaire du Syndicat mixte pour la valorisation du site du Fâ.

Cette stratégie de valorisation a permis en 2005 de réaliser un musée de site et de reconstituer partiellement les thermes romains. Le sanctuaire (ouest) et son temple ont pu être mis en valeur en 2008. Parallèlement, les recherches archéologiques se poursuivent et font l’objet de campagnes de fouilles annuelles.

Les secteurs du théâtre, des entrepôts, de la « Grande Avenue » et du quartier d’habitats ont fait l’objet de fouilles entre 2001 et 2017. Afin de protéger les vestiges et dans l’attente de mise en valeur, tous ces secteurs sont aujourd’hui recouverts de terre. Voici leur histoire :

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est images-1.jpg.

Le théâtre

Dotée d’une riche parure monumentale, l’agglomération gallo-romaine comprend notamment un théâtre. Cet édifice est localisé au nord-est du site, où il occupe le flanc sud de la colline de la Garde. Tourné vers le sud-ouest, il faisait face à une partie de la ville et à l’estuaire. Sa position avait déjà été reconnue en 1708 par Claude Masse, ingénieur géographe de Louis XIV. Quelques vestiges ont été révélés par les sondages de Louis Basalo en 1935 et de Solange Moreau en 1943. Des clichés aériens pris depuis les années 1970, principalement par Jacques Dassié, et des prospections géophysiques réalisées en 2006 ont confirmé la nature de cet édifice. Aujourd’hui encore, l’empreinte laissée par le théâtre se distingue parfaitement dans le paysage.

La fouille du théâtre
La fouille du théâtre

Une fouille programmée initiée en 2007 et achevée en 2017 a eu pour objectif de définir les caractéristiques morphologiques de ce monument et la chronologie de ses différentes phases de construction et d’occupation, pendant et après le fonctionnement de l’édifice de spectacle.

Un théâtre de type « gallo-romain » à cavea semi-circulaire

Dans le deuxième quart du Ier siècle de notre ère, la ville se dote d’un premier théâtre admettant la forme d’un hémicycle de 81 m de diamètre (274 pieds de 0,2957 m).

La cavea, où prenaient place les spectateurs, est divisée en deux demi-couronnes concentriques – maeniana – de largeur équivalente. Le maenianum inférieur repose directement sur la roche naturelle, tandis que le maenianum supérieur est fondé sur cinq murs concentriques, associés, dans la partie centrale de l’auditorium, à des murs rayonnants. Leur combinaison forme des caissons pleins de plan parallélépipédique qui devaient soutenir les gradins. Des couloirs d’accès radiaux et deux galeries annulaires situées au sommet et à la base du maenianum supérieur, permettaient la circulation et la répartition des spectateurs.

Comme dans de nombreux théâtres de type « gallo-romains », l’orchestra occupe une surface considérable. Son diamètre est estimé à environ 29 m (soit près de 100 pieds). Le bâtiment de scène de ce premier édifice de spectacle, probablement arasé lors de l’aménagement du second théâtre, devait s’appuyer sur son plus grand diamètre et empiéter dans l’orchestra.

L’ensemble de ces données rapproche le théâtre de Barzan de plusieurs édifices régionaux (Thénac, Naintré, Saint-Cybardeaux et Saint-Germain-d’Esteuil) et, plus généralement, du groupe des théâtres de type « gallo-romain » à cavea semi-circulaire. Ce « modèle », qu’on retrouve principalement au sud de la Loire, entre Augst et l’Atlantique, se diffuse du début du Ier siècle après J.-C. jusqu’à la deuxième moitié – dernier quart ? – du IIe siècle.

Un théâtre de type « gallo-romain » à cavea prolongée

À la fin du Ier siècle ou au début du IIe, l’édifice est considérablement modifié. Agrandi vers l’ouest, il offre désormais un plan en demi-cercle prolongé. Les deux ailes de la cavea sont étendues de 19 m et sont bordées, du côté de l’orchestra, par un imposant mur de 1,70 m de large. L’édifice est pourvu d’accès latéraux alignés sur son grand diamètre et qui desservent un couloir de circulation (précinction basse) qui suit la courbure de la cavea. Réduite à près de 21 m, la surface de l’orchestra est néanmoins accrue en raison de son extension vers le sud-ouest. Elle était recouverte, au moins partiellement, d’un dallage en calcaire, en grande partie récupéré.

Plan de la seconde phase du théâtre
Plan de la seconde phase du théâtre

À l’arrière du théâtre, l’imposant mur bordant la cavea est prolongé par une maçonnerie plus étroite et de réalisation moins soignée. Celle-ci forme la limite sud d’un espace rectangulaire de 28 m de long sur 17 m de large pouvant correspondre à un porticus post scaenam. Elle encadre une abside d’environ 13 m de diamètre, dont le sol devait être revêtu d’un plancher, correspondant à la scène ou à ses « coulisses » (postscaenium).

Dans son deuxième état, le théâtre de Barzan présente donc un plan inédit. Cette évolution participe peut-être d’un mouvement plus large, puisque dans le courant du IIe siècle la surface de l’orchestra des monuments de Naintré et des Bouchauds a été réduite par la pose de nouveaux gradins et par l’élargissement de leur bâtiment de scène. Plus généralement, le théâtre de Barzan s’apparenterait alors à un groupe d’édifices (Ribemont-sur-Ancre, Champlieu, Vieil-Évreux…) caractérisés par une cavea dépassant le demi-cercle en des prolongements qui peuvent être rectilignes et par un bâtiment de scène empiétant sur l’orchestra.

Le démantèlement du théâtre

Le théâtre perd sa fonction première au cours du IIIe siècle, puis sert de carrière de pierre du IVe siècle jusqu’au XXe. Plusieurs phases de réoccupations du bâtiment relèvent de cette nouvelle destination. Elles donnent lieu à la récupération et parfois à la retaille des matériaux de construction. Plusieurs graffitis représentant un chrisme sont alors gravés sur des blocs de grand appareil et témoignent notamment de la christianisation de la région. Une voie de 8 m de large, probablement liée à l’évacuation de la pierre extraite du monument, est également aménagée en contrebas du monument au cours des Ve-VIe siècles.

 Antoine Nadeau, Graziella Tendron

Mai 2014


L’entrepôt de La Palisse

L’entrepôt est l’un des bâtiments emblématiques de cette agglomération portuaire. Fouillé de 2002 à 2009 par l’Université de Bordeaux 3 sous la direction d’Alain BOUET, il couvre près de 4000 m² et se situe à proximité du sanctuaire principal et de la « Grande Avenue ». Il s’organise autour d’une vaste cour centrale bordée de portiques sur quatre côtés desservant de grandes cellules. L’édifice a connu une période de fréquentation relativement brève, de moins d’un siècle, et plusieurs remaniements. Il semble être construit vers 110 et sera détruit, vraisemblablement par un incendie, dans la deuxième moitié du IIe s. Par ses dimensions, il témoigne de l’importance portuaire de l’agglomération. De plus, il faut s’imaginer que nous sommes certainement en présence d’une toute petite partie des capacités de stockage mises en place dans l’Antiquité qui devaient se concentrer pour une large part autour des quais. Barzan doit être considéré, à l’instar de Bordeaux, comme un emporion, un espace de redistribution vers l’intérieur des marchandises arrivées par l’océan et l’exportation au loin des produits de l’intérieur. L’agglomération, avant-port de Saintes, possible capitale provinciale avec laquelle elle est reliée par un axe viaire important, est alors un des acteurs majeurs de ce monde économique atlantique qui se développe dès le Ier s. de notre ère, en parallèle de sa fermeture progressive aux produits méditerranéens.
Dans l’attente d’une mise en valeur, ce secteur est actuellement recouvert de terre.


Le quartier d’habitat à l’ouest des thermes

La fouille menée entre 2001 et 2008 par l’Université de Bordeaux 3 sous la direction d’Alain BOUET, sur un secteur d’habitat situé entre le grand sanctuaire et les thermes, a permis de mieux cerner l’évolution d’une zone du site depuis la naissance de la ville, jusqu’à son déclin et son abandon.

Quatre grandes phases distinctes ont pu être déterminées :

– Entre 50 avant notre ère et 10 de notre ère, nous remarquons une succession très rapide de petits bâtiments de bois avec couvertures de végétaux, associés parfois à des silos, entourés de clôtures. Ces niveaux anciens sont difficiles à interpréter dans leur ensemble car souvent masqués par les constructions futures.

– La phase comprise entre 10 et 70, voit une densification de l’occupation du secteur. Une première grande maison (100 m2) est construite. Elle possède une cour intérieure, avec puits, donnant sur une rue au nord. Certaines pièces peuvent avoir eu des fonctions artisanales ou commerciales. Les parties basses de ces édifices sont en pierres tandis que les parties hautes sont en terre et bois.

Cependant, progressivement, l’habitat va prendre le dessus sur les autres fonctions des divers bâtiments. A final, après quelques réaménagements, la maison va s’organiser autour d’un petit péristyle entourant une citerne récupérant les eaux d’un impluvium.

Vers 50, cette maison est détruite et remplacée par une nouvelle caractérisée par de nombreuses pièces de petite superficie, possédant un portique à l’est et une cour au sud.

– Entre 70 et 110, le quartier subit une monumentalisation. Sa partie nord est rasée et remplacée par un vaste bâtiment d’une superficie totale de 469m2, composé de deux séries de trois cellules symétriques, séparées par un passage axial de 2,50m. Ce bâtiment public a pu accueillir un entrepôt ou des boutiques.

La partie sud de la zone est totalement transformée : la maison construite vers 50 est arasée et les niveaux de destruction étalés. L’aire est alors remblayée et devient un espace découvert. Les nombreuses petites fosses repérées laissent penser à la création d’un verger ou un jardin.

À l’extrémité sud, une maison de 180m2 est construite, comprenant un bâtiment principal et deux ailes en retour d’angle.

Vers 90, un vaste édifice de 217m2, aux puissants murs en petit appareil est construit à l’ouest de l’entrepôt. Il ne présente aucune subdivision, sa fonction n’est pas connue, mais il peut être identifié comme un bâtiment public.

– Entre 110 et 250, la construction de vastes thermes, à l’est, va de nouveau transformer complètement le quartier.

La moitié Est de l’entrepôt est détruite pour laisser la place au bâtiment thermal. La partie Ouest est transformée en une auberge comprenant trois salles au rez-de-chaussée et des chambres (?) à l’étage, l’ensemble étant précédé d’une cour, au sud, où se trouve l’accès principal.

Le bâtiment public de l’Ouest est divisé en deux par un mur. L’espace nord de quatre mètres de large est aménagé en latrines publiques, d’une capacité estimée de 26 places.

Au sud, une nouvelle maison, en pierre, est construite sur une superficie totale comprise entre 430 et 510 m2. Trois ailes dissymétriques sont organisées autour d’une cour centrale. L’absence de sol et d’aménagements internes ne permettent pas d’établir précisément la fonction des pièces.

Cette maison et l’auberge sont détruites par un incendie vers 150. Seul le portique nord est épargné ou reconstruit, permettant la liaison entre les thermes et les latrines. À partir du milieu du second siècle, les bâtiments publics sont alors les seuls à perdurer.

Le quartier est ensuite progressivement abandonné dans la première moitié du IIIe siècle, même si le sanctuaire voisin reste fréquenté jusqu’au milieu du IVe siècle.

Une maquette du quartier au 1/10e, accolée à celle des thermes, permet de restituer ces bâtiments en volume.

Dans l’attente d’une mise en valeur, ce secteur est actuellement recouvert de terre.


Le sanctuaire et son temple

Le temple circulaire est l’un des plus grands de la Gaule. Il a été construit dans la seconde moitié du IIe siècle de notre ère.

Il en reste aujourd’hui le podium, avec l’avancée du porche, et, sur ce podium, le mur de la cella, circulaire également, et les fondations de la porte. Haut de 2,89 m, ce podium a un diamètre de 35,48 m, soit 120 pieds romains. La reconstitution du reste de l’architecture se déduit de ces éléments en place, de ceux que la fouille a découvert ou que l’on retrouve dans les environs et, enfin, des monuments semblables, notamment la “ Tour de Vésone ” à Périgueux et le “ temple de Janus ” à Autun.

La forte épaisseur des murs de la salle centrale (2,73 m) et la présence de pilastres en grand appareil, plaident en faveur de la restitution d’une couverture par une coupole en béton, hémisphérique à l’intérieur et vraisemblablement conique à l’extérieur. La largeur de 5 m de la porte implique une hauteur d’environ 8 m : c’est cette ouverture monumentale qui devait, une fois poussés les vantaux, éclairer le plus l’intérieur des lieux.

Ce temple devait constituer un monument d’une quarantaine de mètres de haut, que devaient apercevoir de loin les marins naviguant sur la Gironde.

Le temple est entouré d’une enceinte à portique, sur un plan rectangulaire (107 m sur 112 m, soit environ 1,2 ha).

La dédicace de Caius Caecilius au dieu Mars, découverte en fouille dans les années 30 (Basalo/Colle/Planchet) et visible dans le musée, est fort claire. Mais elle n’implique pas que le dieu de la guerre soit la divinité principale et unique des lieux.

Le sanctuaire cesse de fonctionner vraisemblablement au milieu du IVe siècle.

Le sanctuaire a été fouillé par Pierre AUPERT et par le Service de l’Archéologie Départementale de Charente-Maritime sous la direction de Karine ROBIN.


La « Grande Avenue »

À Barzan, plusieurs rues sont connues depuis 1975 grâce aux photographies aériennes de Jacques Dassié. L’une d’entre elles (rue D1) apparaît systématiquement sur les clichés ; particulièrement remarquable par la trace qui la signale, elle a été dénommée « Grande Avenue ». Repérée sur une distance d’environ 500 m, elle semble en effet d’une largeur exceptionnelle, avoisinant les 20 m.

Bordée par une série de temples bien attestés à son extrémité sud-est, elle longe les entrepôts et aboutit au péribole oriental du sanctuaire principal.

Les sondages archéologiques réalisés en travers de la « Grande Avenue » ont permis d’en connaître l’histoire et l’allure à l’époque de l’apogée du site.

Dans la seconde moitié du Ier siècle, la voie est longée d’un côté par le portique des entrepôts et de l’autre par un mur de rive. Au-delà des entrepôts, si la chaussée se prolonge, elle est peut-être bordée des deux côtés par un mur. Dans l’état actuel du dossier, on sait que cette rue dessert le sanctuaire et le lie à un autre pôle, 500 m plus loin vers l’est, là où les prospections aériennes et géophysiques ont révélés des temples non encore datés car non fouillés. Cette rue est interprétable comme une allée processionnelle. Elle est bordée du côté sud, face aux entrepôts, par un bâtiment étroit, en matériau périssable, s’étirant entre la chaussée et le mur de rive.

Au début du IIe siècle se situe le premier acte de la monumentalisation de cet immense espace : du mur bordier M20, jusqu’à proximité du portique des entrepôts, l’espace est recouvert d’une chape d’huîtres qui à la fois, nivelle, draine et offre une surface d’accroche aux nouvelles aires de circulation. D’un côté, en bordure des entrepôts, cette couche d’huîtres est la base d’une nouvelle chaussée tandis que plus au sud, elle est sous-jacente à une aire de circulation piétonne.

La largeur de ce portique est comparable à celle du péribole oriental du sanctuaire. Les données de fouilles et celles acquises par les diverses prospections offrent l’image d’un portique indépendant de toute autre construction puisque son extrémité ouest apparaît nettement séparée du péribole du temple, tandis qu’à l’est aucune limite n’a été détectée. Ce portique est doté d’une série de douze exèdres qui rythment à intervalles réguliers l’espace processionnel. L’exèdre est une salle qui fait saillie sur un mur, avec un tracé normalement rectangulaire, éventuellement semi-circulaire ; elle est ouverte sur un espace libre, cour ou portique. Ici, elles ont été mises en évidence par la prospection géophysique menée par M. Druez et par la fouille qui a dégagé la dernière au nord-ouest et la deuxième, invisible sur les cartes de prospection car entièrement récupérée. La présence des exèdres permet d’affirmer que le portique ouvre vers le sud. Dans cette configuration, la rue passe au second plan et perd de son ampleur scénographique au profit de l’esplanade.

Le portique à exèdres de Barzan constitue une liaison majeure entre le théâtre, une probable zone portuaire et les temples. L’esplanade définie par les deux rues parallèles, d’une superficie d’environ 2,5 hectares est particulièrement longue et étroite (environ 500 m sur 50 m) ; elle présente l’avantage de masquer la distorsion d’orientation entre l’axe de la « Grande Avenue » et le sanctuaire. Le portique à exèdres joue ainsi son rôle d’écran monumental.

Les campagnes de prospection et de fouille sur l’aire de la « Grande Avenue » révèlent un projet ambitieux au service d’une scénographie majestueuse et originale. Ainsi l’idée proposée par la restitution de Jean-Claude Golvin est confirmée même si la forme adoptée se révèle différente de ce que l’on pouvait imaginer sur les seules bases des prospections aériennes et géophysiques. En effet, seule, la fouille est à même d’atteindre les vestiges et d’en proposer une interprétation qui, en outre, prend en compte l’épaisseur du temps.

Cet aspect de l’aménagement de la ville confirme que les élites santones, au IIe siècle, ont consenti à dédier des moyens considérables à la parure monumentale de l’espace public. Au-delà des particularismes de l’habillage architectural, propres aux petites villes dites « agglomérations secondaires », ces réalisations montrent l’existence de programmes d’urbanisme comparables à ceux élaborés dans les capitales de l’Empire.

Laurence Tranoy (LIENSs, Université de La Rochelle)


Les thermes

Le secteur des thermes est, à l’heure actuelle, avec celui du grand sanctuaire, le mieux connu, grâce aux fouilles de l’Université de Bordeaux III sous la direction d’Alain BOUET qui s’y sont déroulées entre 1998 et 2002.

Au début du IIe s., de vastes thermes publics remplacent, au Nord, un bâtiment ayant sans doute eu la fonction d’entrepôts.

Une maquette au 1/10ème permet de mieux se rendre compte de l’élévation et de l’organisation générale de ce bâtiment. Sa superficie actuellement dégagée s’élève à 2934 m2 mais il devait se prolonger vers le sud où la cour de service n’est pas intégralement connue.

La façade principale du monument thermal se trouve au nord, sur la place au-devant du grand sanctuaire, où se développe un portique. Aux extrémités, se trouvent deux séries de 4 boutiques. Entre elles, 2 couloirs d’accès à l’édifice thermal ont été aménagés, encadrant une pièce à abside, lieu de réunion d’un collège ou association.

Au centre du bâtiment, se développe la palestre de 1006 m2, espace destiné à la pratique sportive. Elle est encadrée de portiques ouvrant sur les salles thermales. Leur aile nord comprend deux frigidaria (salles froides) de plan identique, caractérisés par une abside au sud accueillant une vasque sur pied et deux bassins au nord. La salle suivante est tiède (tepidarium), commune aux deux sections de bain, et qui sert de sas thermique entre les secteurs chaud et froid du bâtiment. Au sud, le caldarium (salle chaude) était chauffé par deux foyers (praefurnia) situés dans des chambres de chauffe à l’est et à l’ouest .

Dans les angles sud-ouest et sud-est du monument, deux couloirs permettent de relier la cour de service et la palestre. La pièce circulaire, peut-être chauffée, pourrait être un destrictarium pour sportifs, espace où le baigneur pouvait se nettoyer le corps à l’aide d’un strigile. Un puits de 13,10 m2, profond de plus de 16 m, permettait d’élever l’eau nécessaire au bâtiment, grâce à une roue à chaîne à godets dont les pièces de bois ont été retrouvées en grand nombre dans les niveaux de la nappe phréatique.

Le bâtiment thermal subit des remaniements au début de la deuxième moitié du IIe s, puis est abandonné à la fin du IIIe s.

À l’issue de la fouille programmée de l’établissement thermal (A. Bouet, 2003), le maître d’ouvrage et ses partenaires ont décidé de rendre lisible le plan de ce bâtiment et de confier la réalisation à Mme F. Doutreuwe (architecte DPLG-ICH, Saintes).

Les maçonneries étant arasées, quelques principes ont guidé la démarche : conserver, dans la mesure du possible, les niveaux d’origines de différents espaces ; faire comprendre le fonctionnement et l’organisation du bâtiment aux visiteurs ; tenter de montrer la succession des occupations.

Les murs de façade ont été remontés à 1 mètre au-dessus des sols finis et les cloisons à 0,50 m. Un lit d’ardoises marque la limite des maçonneries antiques. Les techniques de construction mises en œuvre se sont appliquées à respecter les observations faites pendant la fouille (parements en moellons, angles en pierre de taille, joints tirés au fer, mortier à la chaux, etc.). L’angle du tepidarium et l’un des fours ont été reconstruits pour expliquer le système de chauffage par le sol.

Aujourd’hui le parcours de visite proposé, ponctué par une signalisation discrète, permet de suivre les pas d’un Romain allant aux bains. Il est ainsi possible de traverser l’ensemble des pièces de ce bâtiment, y compris les salles de services.

Implantée devant les thermes, une maquette au 1/10e (dimensions : 5 x  4,50 m et 1,50 m de hauteur) restitue l’intégralité des thermes.